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FANTOMAS MEDIA
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9 avril 2006

Oh! Madame, je n'ai apporté ni ma lyre ni ma cithare; mais...

- Oh! Madame, je n'ai apporté ni ma lyre ni ma cithare; mais... - Oh! votre cithare! vous l'apporterez un autre jour... - Mais, ce néanmoins, si cela ne déplaît pas à l'honorable, - et je tirai un morceau de papier de ma poche, - je vais vous lire quelques vers... Je les dédie à mademoiselle Thimothina. - Oui! oui! jeune homme! très bien! récitez, récitez, mettez-vous au bout de la salle... Je me reculai... Thimothina regardait mes souliers... La sacristaine faisait la Madone; les deux messieurs se penchaient l'un vers l'autre... je rougis, je toussai, et je dis en chantant tendrement Dans sa retraite de coton Dort le zéphyr à douce haleine... Dans son nid de soie et de laine Dort le zéphyr au gai menton. Toute l'assistance pouffa de rire: les messieurs se penchaient l'un vers l'autre en faisant de grossiers calembours; mais ce qui était surtout effroyable, c'était l'air de la sacristaine, qui, l'oeil au ciel, faisait la mystique, et souriait avec ses dents affreuses! Thimothina, Thimothina crevait de rire! Cela me perça d'une atteinte mortelle, Thimothina se tenait les côtes!... - Un doux zéphyr dans du coton, c'est suave, c'est suave!... faisait en reniflant le père Césarin... Je crus m'apercevoir de quelque chose... mais cet éclat de rire ne dura qu'une seconde: tous essayèrent de reprendre leur sérieux, qui pétait encore de temps en temps... - Continuez, jeune homme, c'est bien, c'est bien! Quand le zéphyr lève son aile Dans sa retraite de coton,... Quand il court où la fleur l'appelle, Sa douce haleine sent bien bon... Cette fois, un gros rire secoua mon auditoire; Thimothina regarda mes souliers: j'avais chaud, mes pieds brûlaient sous son regard, et nageaient dans la sueur; car je me disais: ces chaussettes que je porte depuis un mois, c'est un don de son amour, ces regards qu'elle jette sur mes pieds, c'est un témoignage de son amour: Et voici que je ne sais quel petit goût me parut sortir de mes souliers: oh! je compris les rires horribles de l'assemblée! Je compris qu'égarée dans cette société méchante, Thimothina Labinette, Thimothina ne pourrait jamais donner un libre cours à sa passion! Je compris qu'il me fallait dévorer, à moi aussi, cet amour douloureux éclos dans mon coeur une après-midi de mai, dans une cuisine des Labinette, devant le tortillement postérieur de la Vierge au bol! Arthur RIMBAUD, Un coeur sous une soutane. lire le texte complet ici : http://www.azurs.net/arthur-rimbaud/rimbaud_textes_125.htm remercions Breton et Aragon pour avoir sorti cette prose de la censure claudelienne.
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