Bon appétit !

[à propos des repas liturgiques de la religion juive, appelés seder - la thèse est cependant universalisable]

[...] Les mets du repas symbolique ne se trouvent là que pour leur nom, pour les phonèmes qu'ils contiennent. Ne va-t-on pas jusqu'à substituer l'ail à la datte ? Ils sont le support de sons, de signifiants.

L'invocation de la mort fait surgir la pure dimension phonique du signifiant. Mais le rite ne se suffit pas de l'immatérialité de la voix, il injecte les phonèmes dans une matérialité alimentaire. Or, un signifiant matérialisé devient l'équivalent d'une écriture (1) . L'aliment devient une lettre.

Le procédé évoque le rébus où l'écriture hiéroglyphique aussi bien que les techniques du Midrach. Il se complète de l'acte de manger.

Ainsi parvenons-nous à dégager cette signification latente du seder : incorporer, manger des mots, de l'écriture, où, suivant l'expression d'un auteur fondamental en ces questions, saint Jean : "le mot devient chair et habite parmi nous." Tel serait le véritable "repas totémique" freudien, cette dévoration du père : manger de l'écriture en commun, moment fondateur du sentiment de groupe dans un acte cannibalique singulier, manifestant avec éclat cette passion, amour et haine confondus, de l'être humain pour le signifiant.

La place de cette cérémonie dans le calendrier lui confère toute sa portée. Par elle, se déclenchent toutes les festivités qui marquent l'An Nouveau. Elle symbolise l'acte premier de la création du monde, soit pour chacun le point d'où émerge sa psyché.

En ce moment privilégié, par son incorporation de signifiant, l'homme renouvelle le pacte fondamental qui le lie au langage.

(1) Jacques Lacan, "L'Instance de la lettre dans l'inconscient", in Ecrits, Paris, Le Seuil, 1966.

Gérard HADDAD, Manger le Livre - rites alimentaires et fonction paternelle, Grasset et Fasquelle, 1984, réed. Hachette littératures coll. "Pluriel".

Dans un autre essai de G. Haddad, nous lisons :

L'autodafé est l'opération inverse de la manducation du Livre. Le totalitarisme, cherchant à extirper cette opération, a confirmé tragiquement cette nécessité littérale pour l'homme de "manger le Livre" pour vivre. Primo Levi, dans son essentiel témoignage sur l'univers concentrationnaire, en fournit la preuve expérimentale. Une première fois dans un passage de Si c'est un homme, quand l'envahit soudain le désir irrépressible de se souvenir, de déclamer à haute voix à son camarade d'infortune un passage de La Divine Comédie, le Chant XXVI ou chant d'Ulysse. Cette "faim" violente le saisit au moment précis où, pour la première fois, on le choisit pour... aller chercher la soupe, en rapport donc avec cette faim du déporté, mot dont la signification au camp n'a qu'un rapport lointain avec la faim usuelle. [...]

Quarante ans plus tard Primo Levi scrutera à nouveau cette faim du Livre, constitutive de l'être parlant jusqu'à jouer un rôle d'importance dans sa survie. Il fallait à tout prix, au risque de dépérir, avaler la moindre parcelle de culture, par exemple en apprenant les langues des autres déportés.

"Ces mots étrangers s'étaient gravés dans nos mémoires comme sur une bande magnétique vide, vierge... de la même façon qu'un estomac sous-alimenté assimile rapidement même une nourriture indigeste... c'étaient des fragments arrachés à l'indistinct.: le produit d'un effort inutile et inconscient pour découper un sens à l'intérieur de ce qui n'en avait pas. C'était aussi l'équivalent mental de notre besoin physique de nourriture, celui qui nous poussait à chercher des épluchures de pommes de terre aux abords des cuisines : un peu plus que rien, mieux que rien. Le cerveau sous-alimenté souffre lui aussi d'une faim spécifique." (P. Levi, Les Naufragés et les Rescapés - Quarante ans après Auschwitz, Gallimard, 1989, chap. IV, pp. 93-94)

Gérard HADDAD, Les Folies millénaristes, Grasset et Fasquelle, 1990.

Comments

[Jacques Lacan]

Je ne lis pas en vous a livre ouvert : vous avez la chance d'avoir un inconscient.

On peut se passer du Nom-du-Pere, a condition de s'en servir.

La seule regle est de tout dire.

N'hesitez pas a plus precisement articuler votre demande afin que je puisse ne pas y repondre.

JL.

[mohamed]

je suis tunisien....psychologue.j'aurais besoin d'une aide analytique...svp.aide moi