Tokyo.
La ville, en tout cas certains quartiers, ne demande que cela, être fantasmée, fantasmagorisée, gorisée surtout en hiver. On y arrive bientôt. Ce n'est pas qu'ici où le dramatique et le lyrisme pêchent par absence, malgré la rareté des incivilités, malgré le sous-développement du cynisme social, du sarcasme quotidien. A moins de s'offrir une scène finale de kabuki par jour, il faut composer soi-même, magnifier la ville qui souvent ne le mérite pas. Si le marcheur n'a aucun pouvoir sur la laideur urbaine sinon que d'y débusquer des trésors cachés, il a le formidable pouvoir de composer sa vision, individualiser le sillage, plaquer sur la dérive une partition de son choix, visuelle, auditive, olfactive, narrative. Comme le rire, il faut l'occasion à la ville d'une chute pour montrer le temps d'un clin d'oeil ses fantômes, révélation en point final à un enchaînement de micro-évènements qui ne faisaient pas sens dans l'instant. Rire avec frissons. Frissons sans rire. La ville, Tokyo, ne demande que cela, qu'on lui brode dessus, qu'on lui titille le nerf fantastique, mais pas n'importe où. Brodons.
a lire : l excellent blog de Lionel Dersot.