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FANTOMAS MEDIA
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29 septembre 2005

la passion de la nomination.

Je dis : cette femme. Hölderlin, Mallarmé et, en général, tous ceux dont la poésie a pour thème l'essence de la poésie ont vu, dans l'acte de nommer, une merveille inquiétante. Le mot me donne ce qu'il signifie, mais d'abord il le supprime. Pour que je puisse dire : cette femme, il faut que, d'une manière ou d'une autre, je lui retire sa réalité d'os et de chair, la rende absente et l'anéantisse. Le mot me donne l'être, mais il me le donne privé d'être. Il est l'absence de cet être, son néant, ce qui demeure de lui lorsqu'il a perdu l'être, c'est-à-dire le seul fait qu'il n'est pas. De ce point de vue, parler est un endroit étrange. Hegel, en cela l'ami et le prochain de Hölderlin, dans un texte antérieur à la Phénoménologie, a écrit : «  Le premier acte, par lequel Adam se rendit maître des animaux, fut de leur imposer un nom, c'est-à- dire qu'il les anéantit dans leur existence (en tant qu'existants). » Hegel veut dire qu'à partir de cet instant, le chat cesse d'être un chat uniquement réel, pour devenir aussi une idée. [...] Il est donc profondément exact de dire, quand je parle : la mort parle en moi. Ma parole est l'avertissement que la mort est, en ce moment même, lâchée dans le monde, qu'entre moi qui parle et l'être que j'interpelle elle a brusquement surgi : elle est entre nous comme la distance qui nous sépare [...].

Maurice Blanchot, "La litterature et le droit a la mort".

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