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FANTOMAS MEDIA
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2 août 2006

La mimesis frontale (2)

Passons au recit lui-meme. Je l'ai appele "fantastique", alors que je le considere moi-meme comme extremement realiste. Mais on y trouve effectivement du fantastique, et precisement dans la forme meme de l'oeuvre, et c'est cela que j'estime necessaire d'expliquer ici. Il ne s'agit la, au fait, ni d'un recit, ni de memoires. Imaginez un mari qui a devant lui, sur une table, le cadavre de sa femme qui vient juste de se suicider, en se jetant par la fenetre, il y a tout juste quelques heures. Il est bouleverse et n'a pas encore eu le temps de se ressaisir. Il erre de chambre en chambre, essayant de trouver une explication a ce qui vient de se passer, de "rassembler ses idees en un point". De plus c'est un hypocondriaque invetere, de ceux qui se repaissent de soliloques. Il parle donc avec lui-meme, se raconte l'evenement, fait effort pour se L'EXPLIQUER. Malgre la coherence apparente de son discours, plus d'une fois il se heurte a des contradictions en fait de logique et de sentiments. Il se justifie, accuse sa femme, se lance dans des commentaires digressifs, il mele a cela une certaine grossierete de pensee et de coeur, en meme temps que des sentiments profonds. Petit a petit il parvient a S'EXPLIQUER la chose, a "rassembler ses idees en un point". Un serie de souvenir qu'il evoque l'achemine irresistiblement vers LA VERITE et celle-ci ne manque pas d'elever son esprit et son coeur. A la fin le ton meme du recit change, si on le compare au desordre du debut. La verite apparait avec assez de nettete et de precision, au malheureux du moins. Voila le theme. Bien sur, le recit se poursuit durant plusieurs heures, par a-coups, avec des coupures et d'une facon confuse, embrouillee : tantot l'homme se parle a lui-meme, tantot il s'adresse a quelque auditeur invisible, a un juge ; mais il en est toujours ainsi dans la realite. Si un stenographe pouvait entendre et noter tout ce qu'il dit, on obtiendrait quelque chose de plus rugueux, de moins travaille que ma propre reproduction, mais a mon avis, le processus psychologique devrait rester le meme. C'est ce stenographe imaginaire (dont j'aurais juste quelque peu arrange les notes) qui me fait qualifier le recit de fantastique. Mais des procedes partiellement identiques ont ete plus d'une fois admis en litterature : Victor Hugo, par exemple, dans son chef d'oeuvre Le Dernier Jour d'un condamne, use d'un subterfuge presque similaire, et, sans aller jusqu'a pretexter un stenographe, s'accomode d'une invraisemblance plus criante encore, en supposant qu'un condamne a la possibilite et le temps d'ecrire ses memoires, non seulement pendant son dernier jour, mais meme pendant sa derniere heure, et litteralement pendant sa derniere minute. Seulement s'il ne s'etait pas permis cette fantaisie, son oeuvre elle-meme, la plus realiste et la plus vraisemblable, n'aurait pas pu voir le jour. Fedor Mihailovich DOSTOIEVSKI. Preface de La Douce. Cite par Bakhtine dans La Poetique de Dostoievski. (trad. Isabelle Kolitcheff)
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Commentaires
F
Tu nous fais chier tête d'enculé!!!!!
J
Un cocktail, des cocteaux. <br /> Le gag du coup de telephone est facilement renouvelable, avec quelqu'un comme M. Tournier, avec un peu de chance il en parlera dans son prochain journal extime.
J
Je viens de découvrir, il n'est jamais trop tard, qu'une grande distraction de Robert Desnos était de téléphoner au milieu de la nuit à la mère de Cocteau afin de lui annoncer le suicide de son fils. J'ignore le numéro de cette dame, mais puissions-nous, en dignes sacs à merde, en faire autant!
F
hahahaha oui c'est ca tu refoule du cul, sac a merde !
M
C'est bien resume. La merde comme metaphore du refoule individuel et social. On ne trouve que cela ici.<br /> Oui, trop de la merde mon site.
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