La jatte des culs.
Sengle se retrouvait dans la cour des Miracles : l'idiot, le sourd, le borgne, le paralytique, le boiteux, le bossu et le nain, cariatides de leurs sacs plein de toute l'armée, se tordaient dans les tourments de l'escrime à la baïonnette du peloton de punition. Le peloton des Elèves-Cabots, en face, plus difforme que son vis-à-vis, crachait des imitations de commandements et ses restes d'intelligence hors de ses hydrocéphaliques gueules, sur ses membres estropiés, bandés de courroies anorthopédiques, de chevaux de labour.
Il était bien égal à Sengle que le peuple pérît dans l'armée et que les larves qui lui servaient d'âmes passassent du corps des esclaves démoniaques dans celui de pourceaux; mais comme le vieillard barbier parmi les neuf voleurs condamnés à la tête tranchée, il ne voulait pas être compris dans l'ablation des cervelles ni l'enlaidissement des corps.
Alfred JARRY, Les jours et les nuits, roman d'un déserteur.