"Propreté"
Les petits pigeons pleins de fientaisie
allaient et venaient survolant Paris
donnant à ses murs la couleur exquise
du caca aviair couleur un peu grise
ne se doutant pas pauvres innocents
qu'un piège sournois en bas les attend
les voilà capturés !
ils ne sont pas contents
adieu Paris ! adieu ma belle ville
dit le pigeon embarqué pour les champs
je ne fienterai plus sur ton Hôtel de Ville
je ne fienterai plus sur tes fiers monuments
quelle tristesse, en y pensant je pleure
de gaspiller si bon excrément
qui aurait pu beurré sur les demeures
de ma ville natale en ronger le ciment
la brique le béton le marbre la meulière
oui, s'écrie le pigeon, je n'en suis pas peu fier
ma chiure est de l'acide au PH virulent
adieu mon beau Paris adieu ma chère ville
je pars pour mon exil dans l'auto des agents
je garderai toujours au milieu des croquants
du charme de tes rues l'image indélébile
Raymond QUENEAU, Courir les rues, Gallimerde Gallimard 1967.
(Aux agélastes oraculaires à la peau trop sensible pour supporter d'emblée le PH de cette poésie, le Guide des Restaurants de Paris conseille la lecture du chapitre consacré à Queneau dans Ceux qui merdRent de Christian Prigent, publié chez P.O.L)