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FANTOMAS MEDIA
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15 septembre 2008

À la niche, les glapisseurs de dieu !

«Ce monde, uniformément constitué, n’a été créé par aucun dieu, ni par aucun homme. Mais il a toujours existé, il existe et existera toujours, feu éternellement vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure.» HÉRACLITE (trad. Yves Battistini, 33). Alors que sur le front du rationalisme fermé l’ennemi semble avoir décidément perdu toute espèce de courage, une recrudescence d’activité se manifeste sur le front complémentaire de la religion. Il y a dix-huit ans, l’un d’entre nous [André Breton, /Second Manifeste du Surréalisme/] regrettait que Rimbaud fût coupable… de ne pas avoir rendu tout à fait impossibles certaines interprétations déshonorantes de sa pensée, genre Claudel. Si la lettre d’un tel reproche semble devoir être aujourd’hui maintenue, c’est qu’elle témoigne surtout de notre volonté constante de ne pas céder aux chiens les valeurs dont, malgré des réserves, dans cet ordre, sévères où nos exigences de pureté ne tolèrent pas la moindre compromission, nous entendons toujours nous réclamer. Donnons acte en passant à M. Jacques Gengoux, auteur de /La Symbolique de Rimbaud/ [Nous apprenons en dernière heure que M. Jacques Gengoux, candidat jésuite, a abandonne le séminaire et ne prononcera pas ses vœux], de ce qu’il ne nous dispute pas comme l’ignoble trafiquant de lard la pensée rimbaldienne. Cependant nous nous mettrions exactement dans le cas de Rimbaud si nous ne faisions avorter les tentatives de détournement, cette fois de notre propre pensée, encore au profit de la même cause infâme. Mentionnons quelques-unes de ces tentatives, du reste connues : en juillet 1947, dans la revue /Témoignage/, un bénédictin, Dom Claude Jean-Nesmy, déclare : «Le programme d’André Breton témoigne d’aspirations qui sont tout à fait parallèles aux nôtres.» En août, M. Claude Mauriac écrit dans /La Nef/, à propos de /Fata Morgana/ : «Un chrétien n’aurait pas parlé autrement.» En septembre, M. Jean de Cayeux proclame dans /Foi et Vie/ qu’il entend souscrire, dans la mesure où elles pourraient s’accorder avec les vues du mouvement œcuménique, à plusieurs propositions énoncées dans un article d’un autre d’entre nous [Henri Pastoureau, «Pour une offensive de grand style contre la civilisation chrétienne» dans /Le Surréalisme en 1947/. Éd. Maeght]. Depuis il y a eu dans les /Cahiers d//’//Hermès/ (II) la pénétrante étude de M. Michel Carrouges : «Surréalisme et Occultisme» qui n’a pris tout son sens, entendons son sens apologétique, que depuis la parution récente de l’ouvrage du même auteur : /La Mystique du Surhomme/. Il y a eu dans /La Table ronde/ (4 et 5) les élucubrations de M. Claude Mauriac qui ne se connaît peut-être pas chrétien mais se trémousse à l’idée d’intituler un essai futur : /Saint André Breton/ — la belle farce ! Il ne saurait s’agir de discuter. D’autant moins que dans ces écrits la pensée surréaliste n’est pas toujours à proprement parler falsifiée. On ne peut guère accuser Carrouges, par exemple, tout au moins dans son article sinon dans son livre, de falsifier la pensée surréaliste. Mais toutes ces démarches procèdent, à des titres divers, d’une tentative d’escroquerie généralisée dont l’instigatrice est aujourd’hui comme toujours, la racaille des Églises. Les Églises, d’ailleurs, depuis qu’elles ont perdu les secrets qu’elles ont pu momentanément usurper — encore que dans le domaine religieux les véritables dépositaires de secrets fussent généralement des hérétiques (avec lesquels la pensée surréaliste accepte de se reconnaître certains points de contact) ne maintiennent plus leur ascendant sur le monde des idées qu’à l’aide d’escroqueries de ce genre. Carrouges reconnaît les prétentions surréalistes à l’athéisme. Il reconnaît cet athéisme capable d’un mysticisme prométhéen, c’est-à-dire d’une aspiration au salut dans le monde même de l’homme — au sens feuerbachien de ce dernier terme. À cette mystique humaniste, il oppose l’élévation judéo-chrétienne vers la Jérusalem céleste. L’opposition est recevable. Notre camarade Calas, entre autres, avait inversement opposé déjà, dans /Foyers d//’//incendie/, la fin qu’assignent à l’homme Hegel, Marx, les surréalistes à celle que lui assignent les Pères de l’Église. L’escroquerie est donc ailleurs. Elle est dans l’utilisation de toute protestation d’athéisme en général, et de la protestation surréaliste en particulier, dans un but apologétique. Pareille utilisation tend à devenir la base du nouveau système apologétique des diverses Églises. Nul n’a plus cyniquement formulé cette prétention exorbitante que M. Pierre Klossowski dans son perfide ouvrage sur Sade. Selon Klossowski, Sade n’est pas athée. L’athéisme n’existe pas mais seulement une révolte de la créature, manifestation extrême de son ressentiment eu égard à la condition tant charnelle que spirituelle qui lui est infligée par le créateur. Le dieu de Sade, c’est, d’après Klossowski, le dieu de Saint-Fond, c’est-à-dire un dieu du mal comme celui de Carpocrate, mais qui, comme toute émanation de l’empire des ténèbres, en s’opposant au dieu de lumière, le pose à titre de complément nécessaire, restituant à l’homme, même à Sade — même au surréaliste, pourrait dire Carrouges — la parole du bien, capable de lui faire tout discerner, même le mal. On aura reconnu le tour hégélien de l’argumentation. Est-il utile de souligner qu’elle n’en a que le tour ? Quand Hegel parlait de dieu, les chrétiens ne trouvaient pas que le syllabe rendait un son très authentique. Mais le dieu d’Aristote n’était pas non plus celui de l’Écriture et pourtant la logique aristotélicienne n’en a pas moins, à l’époque de saint Thomas, fait rebondir le christianisme pour un nouveau millénaire. Il semble, depuis Kierkegaard, qu’on attende le même service de la dialectique hégélienne. Il est, en tout cas, admis, d’ores et déjà, par les Églises, que nier dieu c’est encore l’affirmer et que, cette proposition initiale une fois acceptée, le combattre c’est encore le soutenir, le détester c’est encore le désirer. Et voilà comment l’exégèse chrétienne a trouvé le moyen, tout en continuant à s’exercer sur ce qu’elle appelle l’Écriture Sainte, de s’appliquer, pour en tirer les mêmes conclusions, aux textes dirigés contre l’Écriture Sainte. De telles démarches dialectiques, qui voudraient faire concourir, aussi bien que Sade et Rimbaud, sans parler de Lautréamont, les surréalistes à l’exaltation mystique d’un dieu prétendu, ne sont pas, comme on pourrait le croire, des initiatives provenant de chrétiens «d’avant-garde». Elles émanent d’une tendance très générale à admettre aussi bien l’antithèse que la thèse, non en vue de quelque synthèse mais d’un très conscient double-jeu, tendance observable en particulier dans les sphères éminentes de l’Église catholique. On connaît la position apparemment contradictoire, mais en fait complémentaire, adoptée par le clergé sous l’occupation. Dans l’article mentionné plus haut, M. de Cayeux fait état d’une lettre pastorale où le cardinal Suhard, interprétant dans un sens très large, semble-t-il, la bulle de boue de Léon XIII /Eterni Patris/, précise que le thomisme peut être apprécié contradictoirement par les fidèles selon qu’ils veulent se placer sur le terrain du dogme ou sur celui de la philosophie. À l’occasion du dernier Noël, la même bourrique écarlate lançait un appel où il était dit que la charité était un mal quand elle voulait dispenser de la justice et qu’il n’y avait d’autre solution humaine à l’infortune de l’homme qu’un nouvel ordre humain. Ne pas croire que la conception traditionnelle de la charité chrétienne est rejetée pour autant car il est loisible aux fidèles de se placer, là encore, d’un double point de vue apparemment contradictoire mais toujours complémentaire selon qu’ils cherchent une solution dans ce monde ou en dieu. Ne doivent-ils pas d’ailleurs appeler l’une et l’autre s’ils veulent à la fois se conformer au dogme et se prémunir contre la solution révolutionnaire ? Les exemples pourraient être multipliés. Ils prouvent que les chrétiens d’aujourd’hui disposent d’arguments pris dans des poubelles théologiques assez hétéroclites pour parer aux circonstances les plus diverses. Dans ces conditions, toute discussion est, faute de la moindre constance dans le langage par eux employé, c’est-à-dire en raison de leur duplicité fondamentale, impossible. Elle l’a d’ailleurs toujours été. Aussi bien, en dépit de ce que l’idée de dieu, considérée en tant que telle, ne parviendrait à nous arracher que des baillements d’ennui, mais parce que les circonstances où elle intervient sont toujours de nature à déchaîner notre colère, que les exégètes ne soient pas surpris de nous voir recourir encore aux «grossièretés» de l’anticléricalisme primaire dont le /Merde à dieu/ qui fut inscrit sur les édifices cultuels de Charleville reste l’exemple typique. Que les politiques d’entre eux renoncent par tactique à l’anathème ne suffit pas pour que nous renoncions à ce qu’ils nomment des blasphèmes, apostrophes qui sont évidemment dépourvues à nos yeux de tout objectif sur le plan divin mais qui continuent à exprimer notre aversion irréductible à l’égard de tout être agenouillé. Adolphe Acker, Sarane Alexandrian, Maurice Baskine, Jean-Louis Bedouin, Hans Bellmer, Jean Bergstrasser, Roger Bergstrasser, Maurice Blanchard, Joe Bousquet, Francis Bouvet, Victor Brauner, André Breton, Jean Brun, Pierre Cuvillier, Pierre Demarne, Charles Duits, Jean Ferry, André Frederique, Guy Gillequin, Arthur Harfaux, Jindrich Heisler, Georges Henein, Maurice Henry, Jacques Herold, Véva Herold, Marcel Jean, Alain Jouffroy, Nadine Krainik, Jerzy Kujawski, Pierre Lé, Stan Lélio, Pierre Mabille, Jehan Mayoux, Francis Meunier, Nora Mitrani, Henri Parisot, Henri Pastoureau, Benjamin Péret, Gaston Puel, Louis Quesnel, Jean-Dominique Rey, Claude Richard, Jean Schuster, Iaroslav Serpan, Seigle, Hansrudy Stauffacher, Claude Tarnaud, Toyen, Clovis Trouille, Robert Valençay, Jean Vidal, Patrick Waldberg. Paris, le 14 juin 1948. À la niche, les glapisseurs de dieu ! http://juralibertaire.over-blog.com/article-22777017.html Merci à Anne-Elisabeth Halpern
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